Il faut soutenir l'institution psychanalytique

Pas une année, pas un mois ne se passe sans qu’une nouvelle disposition administrative ou législative rende plus problématique encore l’intervention et la représentation de la psychanalyse dans les institutions et en tant qu’institution. Les universités ont vu leurs départements de psychanalyse se raréfier, les hôpitaux leur services sans participation de psychanalystes se multiplier, la psychiatrie se vider de sa clinique. En décembre dernier, à propos de l’autisme, une proposition visant à interdire l’intervention d’analystes dans cette prise en charge était rejetée à l’Assemblée nationale, mais d’autres verront le jour. Il y a quelques semaines, une réorganisation dans la réglementation des revues qualifiantes de psychologie francophone a failli rendre leur accès quasiment impossible aux psychanalystes, alors que l’accès aux publications scientifiques commande l’accès aux enseignements. Au début de cette année, un Conseil de la Santé mentale s’est mis en place où la participation des psychanalystes n’est pas assurée, alors que ce Conseil fera des propositions qui porteront à conséquence dans les lieux de soin, l’université et la recherche où ils travaillent largement. Des pétitions ont circulé afin que la psychanalyse ne soit pas éliminée de ces pôles d’intervention essentiels.

Pas une année, pas un mois ne se passe sans qu’une nouvelle disposition administrative ou législative rende plus problématique encore l’intervention et la représentation de la psychanalyse dans les institutions et en tant qu’institution. Les universités ont vu leurs départements de psychanalyse se raréfier, les hôpitaux leur services sans participation de psychanalystes se multiplier, la psychiatrie se vider de sa clinique. En décembre dernier, à propos de l’autisme, une proposition visant à interdire l’intervention d’analystes dans cette prise en charge était rejetée à l’Assemblée nationale, mais d’autres verront le jour. Il y a quelques semaines, une réorganisation dans la réglementation des revues qualifiantes de psychologie francophone a failli rendre leur accès quasiment impossible aux psychanalystes, alors que l’accès aux publications scientifiques commande l’accès aux enseignements. Au début de cette année, un Conseil de la Santé mentale s’est mis en place où la participation des psychanalystes n’est pas assurée, alors que ce Conseil fera des propositions qui porteront à conséquence dans les lieux de soin, l’université et la recherche où ils travaillent largement. Des pétitions ont circulé afin que la psychanalyse ne soit pas éliminée de ces pôles d’intervention essentiels.

On ne peut plus considérer que le monde de la cité résiste à la psychanalyse. Elle l’a au contraire investi massivement, peut être trop, il y a un certain temps, ce qui ne pouvait être qu’un malentendu. Après avoir difficilement, au début du siècle dernier, fait entendre son savoir inédit, sa voix fut dans les années 1970 si présente que d’aucuns l’ont qualifiée de « pensée hégémonique ». Certes, ceux-là ne lui veulent pas du bien. D’ailleurs avait-elle demandé une telle audience ? Il eût fallu s’en méfier plutôt, certains l’ont fait.

On entend parfois en certains lieux que la psychanalyse aurait fait son temps, qu’il faut passer maintenant à autre chose, que la pensée psychanalytique est bien connue et qu’on en a fait le tour, qu’on préfère d’autres approches, qui d’ailleurs n’exigent pas de penser, puisqu’il se voit bien que penser ne sert pas au bout du compte à ce qu’on en attend. On a en effet besoin partout de pratiques qui appellent à ce que ça marche sans penser. Et nombre d’analysants le savent, qui ajoutent à leur analyse telle rééducation, telle activité. Et nombre de rééducations, pour cette raison, s’ajoutent au suivi psychanalytique des enfants, autistes ou non. Mais regardons ce qui se passe lorsque ces pratiques ne sont pas accompagnées d’une démarche analytique. Lorsqu’on veut les substituer à la psychanalyse au lieu de les y articuler.

Comment d’ailleurs pourrait-on penser que de la psychanalyse on a fait le tour, quand une part de ses avancées décisives n’a pas encore été lue, n’a pas été vue, ni comprise ? Lors du récent débat de l’Assemblée nationale, où la proposition Fasquelle a été rejetée, un intervenant remarquable constatait qu’il suffisait d’écouter Jean-Didier Vincent, neuropsychiatre éminent, pour  comprendre que les avancées des neurosciences, la pratique de la psychiatrie autrefois appelée biologique, ne sont pas incompatibles, bien au contraire, avec la pensée analytique. Il mentionnait que, s’agissant de l’autisme, eux-mêmes s’appuient  sur trois types de thérapies, cognitive, comportementale, et analytique. Et il était amené à conclure qu’il était dépassé, voire dangereux, de proposer un projet de loi visant à instaurer une méthode unique en interdisant la psychanalyse, car le pouvoir du législateur n’est pas de contraindre les professionnels de santé, de favoriser certaines techniques et d’en interdire d’autres. Or d’autres propositions de ce type feront retour, n’en doutons pas.  Les psychanalystes y ont sans doute une part de responsabilité, et en outre l’évolution idéologique actuelle de l’Occident ne saurait plus vivement nous le montrer. 

Dans un tel contexte, il faut soutenir l’institution psychanalytique. Soutenir et transmettre celle qui existe, afin qu’elle ne s’arrête pas avec la génération qui l’a fondée, cela représente beaucoup de travail, cela exige du temps. Les jeunes générations qui reprendront le flambeau sont d’ores et déjà appelées à en peser le prix et la difficulté. Mais il faut aussi soutenir la psychanalyse auprès des institutions qui nous régissent, auprès des instances qui réglementent notre représentativité et notre accès au débat administratif et législatif. Sans doute faudra-t-il dès lors continûment nous donner les moyens de l’information, de la réflexion, de l’action adéquate et efficace.

C’est ce que soutient le Groupe de contact depuis décembre dernier, réuni à l’initiative de son secrétaire Jacques Sédat[1]. Il rassemble les responsables ou représentants de douze associations de psychanalystes, qui vont continuer d’œuvrer dans ce but, en héritant d’une longue histoire institutionnelle liée aux évènements politiques et aux mesures législatives concernant la psychanalyse, de plus ou moins près, dans les quarante dernières années. Ce Groupe est intervenu en différents points pour essayer de faire en sorte que le débat de l’Assemblée soit informé, pour tenter de maintenir l’accès des psychanalystes aux revues scientifiques qui commandent l’enseignement. Dans cette perspective, à Espace analytique, outre notre participation à la mobilisation régulière des responsables d’associations analytiques, et celle de tous les membres qui le peuvent, nous devrons peut-être dans notre association prévoir un budget qui permette de soutenir plus efficacement cette action, ce sera en débat dans nos instances. Tout cela ne fait au fond que commencer, recommencer, et une vigilance constante sera nécessaire.

 

                        Gisèle Chaboudez, avec la collaboration de Jacques Sédat et Gérard Pommier.

 

 

[1] Pour l’historique des actions des psychanalystes et de la création de ce Groupe on peut se reporter à l’article de Jacques Sédat « Statut et situation de la psychanalyse en France », Topique, 2008, n°101. Il est consultable sur le site d’Espace analytique, dans la rubrique « Dossiers et publications ».