Éditorial

Une nouvelle année va commencer à Espace analytique, avec de nombreuses perspectives. Le mois de juin a vu se confi rmer la mobilisation des associations de psychanalystes en vue de manifester leur grande préoccupation à propos de la quasi disparition institutionnelle de la psychanalyse que l’on peut observer dans les universités, les hôpitaux, les centres médico-sociaux. Une lettre a été adressée au ministère de la Santé par le Groupe de Contact, avec la signature de douze associations de psychanalyse, faisant part de ce souci et objectant aux différents discours et contre-vérités répandus ces dernières années à l’encontre de la psychanalyse en général, et de ses prises en charge de l’autisme en particulier. Cette lettre comportait un dossier des manques problématiques actuels avec des réponses des psychanalystes aux critiques qui leur ont été faites, par exemple quant à un « refus » d’évaluer « scientifi quement » leurs résultats, montrant que ce n’est pas le cas. L’évolution des secteurs psychiatriques, médico-sociaux et universitaires, entre autres, se ressent massivement de cette disparition de l’infl uence psychanalytique et de ses effets dans des pratiques qui tiennent de moins en moins compte de la subjectivité, ce dont nos journées sur La psychanalyse et les nouvelles directions de la psychiatrie avaient dressé un bilan préoccupant. Parallèlement à ces contacts avec les pouvoirs publics, le groupe STOP DSM poursuit ses débats publics, dont l’audience ne cesse de croître et dont le prochain se tiendra le 13 octobre. Et un groupe d’experts se constitue actuellement pour commencer à rédiger un rapport sur « La place de la psychanalyse dans la santé mentale », auquel on peut participer en contactant Patrick Landman. Ces différentes actions et réfl exions vont se poursuivre, où les psychanalystes demandent une polyvalence des références et des participations dans l’organisation des institutions susceptibles de bénéfi cier de l’apport psychanalytique, loin d’exiger une exclusivité ou une prééminence, comme cela leur est imputé. Lorsqu’on accuse la psychanalyse d’avoir été « hégémonique », c’est pour réclamer sa disparition. La psychanalyse œuvre loin du tout qui lui est imputé, mais ne saurait se satisfaire du rien que désormais on lui impose.

Nous entrons d’autre part dans la préparation des Journées annuelles qui se tiendront du 9 au 11 mars, sur le thème intitulé Lacan, l’expérience analytique, dont les premières annonces se font actuellement. Le choix de ce thème vise à organiser le travail de ces journées sur cet apport qui a orienté largement notre pensée et notre pratique depuis les années 50 du siècle dernier. Mais il tend plus particulièrement à se centrer sur la clinique et la technique que Lacan a élaborées en les reprenant de Freud pour les remanier, les ajuster, les prolonger. Le but ambitieux de ces journées est de se demander au plus près ce que nous, psychanalystes, avons fait, après ce demi-siècle de lacanisme, de lecture de ses textes, de transmission directe parfois de sa pratique, de ce qui nous a été ainsi enseigné, montré. Car si l’infl uence de Lacan est grande, si nombreux sont les psychanalystes qui s’en réclament et enseignent sa pensée et sa conception de la pratique analytique, en réalité il n’est pas certain que nous puissions nous satisfaire de ce qui en est pour l’instant connu et utilisé et de ce que nous avons jusqu’ici transmis à notre tour. La diffi culté de cette pensée, les pièges de son énonciation obscure et équivoque, ont sans doute fait beaucoup pour qu’elle soit à la fois tant évoquée et si peu comprise, si mal connue en son ensemble. Ses articulations centrales restent souvent ignorées, or sans elles rien de ce qui les approche, les cerne et les prolonge ne suffi t à faire sens, autrement que par quelques énigmes et slogans erronés circulant dans la pensée contemporaine, où le dire de Lacan n’a pas fait interprétation comme l’a fait celui de Freud en son temps, alors qu’il le peut et que l’avenir de la psychanalyse l’exige. La préparation des différentes tables rondes et ateliers vise donc une parole authentique sur ce qui anime notre expérience de cet apport. Nous espérons que la qualité de nos débats sera au rendez vous et suscitera, cette année encore, l’enthousiasme de tous les participants. Notre revue a d’ailleurs recueilli nombre de textes des précédentes Journées pour en faire un numéro sur « Le fait religieux », qui a voulu refl éter autant qu’il est possible la qualité et la diversité des débats et des contributions, et sera présenté en librairie le 19 novembre.

Souhaitons à tous une bonne reprise du travail, des échanges, des circulations de toutes sortes pour déployer cette année encore la cause d’une psychanalyse vivante, rigoureuse, effi cace.

Gisèle Chaboudez, présidente