Repérage précoce de l’autisme : la France prend de l’avance !

Le RAAHP, qui rassemble des associations de familles et personnes autistes, n’a pas tous les jours l’occasion d’annoncer de bonnes nouvelles concernant l’autisme : c’est une affection complexe et la compréhension que nous en avons ne progresse qu’à très petits pas, nous laissant encore trop souvent démunis devant nos interrogations et nos doutes sur le chemin à suivre.

par Christine Gintz, Secrétaire Générale du RAAHP
17/12/2017

Le RAAHP, qui rassemble des associations de familles et personnes autistes, n’a pas tous les jours l’occasion d’annoncer de bonnes nouvelles concernant l’autisme : c’est une affection complexe et la compréhension que nous en avons ne progresse qu’à très petits pas, nous laissant encore trop souvent démunis devant nos interrogations et nos doutes sur le chemin à suivre.

Aujourd’hui cependant nous sommes très heureux de vous faire part de la publication, dans la revue scientifique américaine Plos One, d’une importante découverte des chercheurs de PRÉAUT sur le dépistage ultra précoce des bébés à risque d’autisme.

Dès le début des années 2000 les chercheurs de PREAUT visionnaient des centaines de films familiaux d’enfants devenus autistes, afin de dégager les éléments cliniques les plus pertinents présents chez les tout-petits et qui devaient alerter les pédiatres et toutes personnes travaillant au contact avec les enfants. La psychanalyste Marie-Christine LAZNIK a eu le mérite d’isoler ces signes caractéristiques. La particularité qu’elle a repérée est la manière dont le bébé est capable ou non de prendre l’initiative de la relation et pas seulement de réagir à la sollicitation.

Dès 2004 PREAUT posait les jalons qui allaient rendre possible ce travail. La psychanalyste Graciela C. CRESPIN a formé plus de 600 médecins de la petite enfance de 2004 à 2006. C’est grâce à une équipe dynamique et volontaire que ce travail a pu être mené à bien jusqu’à la parution dans Plos One.

Alors que tout le monde s’accorde pour soutenir la nécessité d’une action la plus précoce possible visant à aider les enfants autistes, nous n’avions, jusque-là, que peu d’éléments tangibles et scientifiquement validés pour détecter, dans la variété des modalités de développement des bébés, les signes distinctifs qui devaient faire craindre une affection neuro-développementale ultérieure. Or une telle situation constitue une urgence : il est nécessaire de porter secours immédiatement aux bébés et à leurs parents afin de tenter de leur éviter un destin autistique.

Le repérage des bébés en train de se retirer en eux-mêmes dès les examens pédiatriques systématiques du 4ème et du 9ème mois, devrait permettre d’instaurer des mesures d’accompagnement au moment où la plasticité cérébrale est la plus grande et avant même que le tableau autistique ne soit totalement installé. En effet, à ce stade, il n’est pas encore possible de poser un diagnostic d’autisme au sens strict, car il nécessite que les étapes du développement du nourrisson se soient entièrement déroulées.

Il s’agit par conséquent d’empêcher l’autisme ou d’autres troubles neuro-développementaux de s’installer. Pour cela les équipes PRÉAUT sur le terrain ont d’ores et déjà mis en place le dispositif RADAP (Réseau d’Accompagnement du Diagnostic d’Autisme Précoce) en collaboration avec la DRCI de l’Hôpital Necker. La formation des équipes est en cours.

Une politique de dépistage en population générale telle que la proposent les chercheurs de PRÉAUT a de plus l’avantage, précieux en ces temps d’économies, d’être très peu onéreuse en elle-même, puisqu’il s’agit simplement d’ajouter quelques éléments à bien rechercher au cours des examens déjà systématiques des nourrissons. Ce travail devrait se traduire, dans un deuxième temps, par des économies substantielles dans la mesure où le traitement à cet âge est moins lourd qu’un traitement entrepris après 2 ans, et qu’il devrait diminuer le nombre de personnes durablement handicapées.

L’étude prospective et multicentrique qui a été réalisée de 2006 à 2011, sur une large population d’enfants suivis en PMI (Services de Protection Maternelle et Infantile) dans 10 départements français est d’un sérieux indiscutable à tous les niveaux : étude en population générale sur plus de 12 000 enfants, méthodologie rigoureuse, analyse approfondie, discussion des résultats, et aussi précision des limites de ce travail. Toutes ces conditions, exigées pour un travail scientifique, sont d’un niveau qu’on aimerait rencontrer plus souvent.

La reconnaissance donnée par la publication dans une revue scientifique internationale est indispensable pour qu’une découverte soit prise en compte dans une politique de santé française. Voilà pourquoi cette parution dans Plos One est réellement une excellente nouvelle sur de nombreux plans :

  • Cette reconnaissance est capitale avant tout pour tous les bébés dont le destin va être mieux engagé grâce à un accompagnement plus précoce.
  • C’est aussi un document précieux pour Madame Agnès BUZYN, Ministre de la Santé, dont une des priorités est la prévention.
  • C’est, enfin, une avancée qui devrait aider à rééquilibrer les rapports entre les différents courants théoriques professionnels et conduire à une politique de l’autisme plus saine, une politique au service des personnes concernées et de l’ensemble des citoyens plutôt qu’engluée dans des polémiques stériles et la défense d’intérêts discutables.

Dès l’annonce de la publication dans Plos One, courant novembre, le RAAHP qui venait d’être invité par la HAS à donner son avis sur les nouvelles recommandations sur le diagnostic en cours d’élaboration, a informé cette instance de cette découverte. L’information a également été transmise au groupe de pilotage du futur 4e plan autisme.

Grâce au travail des chercheurs de PREAUT, la France est donc en avance sur le dépistage de l’autisme. Il appartient désormais aux pouvoirs publics de ne pas perdre un temps précieux avant de prendre en compte ces avancées décisives.

Les auteurs de la recherche

  • Conceptualisation : Marie-Christine Laznik, Claude Bursztejn, David Cohen.
  • Data curation : Graciela Crespin, Jean-Louis Sarradet, Colette Bauby, Anne-Marie Dandres, Jean Xavier, Nicolas Bodeau.
  • Formal analysis : Bertrand Olliac, Nicolas Bodeau.
  • Funding acquisition : Graciela Crespin, Jean-Louis Sarradet, Claude Bursztejn.
  • Investigation : Graciela Crespin, Colette Bauby, Anne-Marie Dandres, Emeline Ruiz, Jean Xavier, Catherine Saint-Georges.
  • Methodology : Claude Bursztejn, David Cohen, Catherine Saint-Georges.
  • Project administration : Graciela Crespin, Jean-Louis Sarradet, David Cohen, Catherine Saint-Georges.
  • Resources : Graciela Crespin, Jean Xavier.
  • Software : Oussama Cherif Idrissi El Ganouni.
  • Supervision : Graciela Crespin, Bruno Falissard, David Cohen.
  • Writing – original draft : Bertrand Olliac, Catherine Saint-Georges.
  • Writing – review & editing: David Cohen.