Une nouvelle année commence avec la rentrée, dans notre association. Nombre de manifestations y sont annoncées dans de multiples domaines et directions, qui auront à cœur de témoigner du sérieux et de la diversité de nos travaux. Un accent plus particulier sera porté cette année sur le thème de nos journées annuelles, en mars 2017, qui s’intituleront « Penser le sexuel avec la psychanalyse ». On pourrait presque parler de pléonasme tant la psychanalyse a commencé en pensant le sexuel précisément, et n’a jamais cessé de le faire.

Et la pensée freudienne du sexuel a été pour une large part dans l’évolution fulgurante des sociétés sur ce point depuis les années 70 du siècle dernier, avec tous les courants de pensée qui en ont émergé. Sa remarque que le choix sexué inconscient n’épousait pas totalement les rôles sexuels impartis à chaque sexe a connu de larges extensions, et a été radicalisée dans nombre de discours. Son soupçon manifeste que le couple civilisé ne se rencontrait jamais totalement dans sa sexualité, mis en logique dans le fameux « plus commun rabaissement de la vie amoureuse », a été confirmé par la théorie lacanienne de l’absence du « rapport sexuel ». Son constat que le refoulement exigé de la jouissance clitoridienne, c’est-à-dire de la jouissance dite phallique, était largement cause de névrose pour la femme, a contribué à ce que cette exigence aujourd’hui n’existe plus et que la jouissance phallique des femmes soit reconnue, dans le sexuel mais aussi  dans le social, avec leur entrée massive dans le travail, et dans tout ce qui consiste à prendre la parole, puisqu’elle est comme telle la jouissance du sujet, qu’il soit d’un sexe ou de l’autre. Certes Freud pensait la jouissance phallique comme masculine, comme le faisaient les discours de son époque, alors que la nôtre a redistribué cette jouissance du sujet de la parole, et l’a reconnue asexuée en fait, comme la libido unique. Les ajustements lacaniens de cette première étape d’élaboration du sexuel, reprenant les questions cruciales là où Freud les avait laissées pour les porter plus loin, nous permettent de penser l’actuel du sexuel. La psychanalyse n’est pas dépassée par ce qu’elle a elle-même contribué à produire, à la condition qu’elle resitue les premières approches freudiennes au regard des discours de son époque, qu’elle prenne au mot chaque avancée qui en a modifié l’abord depuis, qu’elle mette à l’épreuve chaque ajustement et chaque prolongement, qu’elle déchiffre les énigmes lacaniennes sans s’en tenir aux slogans supposés résumer sa pensée. La théorie si largement évoquée de l’absence dite du rapport sexuel, a-t-elle été suffisamment questionnée pour livrer ce dont elle s’origine, ce qu’elle recouvre, et ce qu’elle implique ? A-t-on perçu chez Freud le soupçon qui y menait ? Et de ce fait, a-t-on aperçu les conséquences fondatrices d’un tel point de vue, ouvrant en psychanalyse à un abord du sexuel qui ne s’en tienne pas à l’Œdipe comme causalité mais qui intègre ce que la béance du « rapport sexuel » implique dans notre expérience et dans notre pensée ? Les théories des pensées militantes qui interpellent la psychanalyse ont elles été pesées de ce point de vue ? Les effets d’une analyse sur l’érotique ont ils évolué ?

Toutes ces questions et d’autres seront à l’œuvre dans nos Journées, mises à l’épreuve avec les discours contemporains. Les travaux de l’association devraient permettre de s’y préparer, afin d’apporter dans les débats et les contributions le renouveau de notre pensée du sexuel, la préoccupation constante de ce qui constitue l’énigme et la faille qui nous fondent comme praxis et comme discours.

 

                                                        Gisèle Chaboudez

                                                                    Présidente