Colloque CRIVA "Voix de l'exil"

de 10 à 18h
mairie du IX arrondissement
et zoom

PROGRAMME (8 définitif) ET ARGUMENTS DU COLLOQUE CRIVA

« Voix de l’Exil »

JEUDI 28 MARS 2024 de 10h à 18h

En Zoom et en présentiel à la Mairie du 9ème de Paris

 

Argument général incitatif du Colloque

L’histoire nous impose, d’un siècle à l’autre, sa cohorte d’exodes, d’émigrations massives : toute sortie de territoire sonne comme une « sortie de route » d’un destin arrêté aux frontières des déterminismes, des édits et des discours. Exilé si ce n’est banni de son histoire, de ses ancêtres, de ses racines, le sujet du social comme le sujet de l’inconscient ploie sous les vents contraires de la délocalisation qui lui est imposée ou qu’il s’inflige. À bout de souffle, à bout de voix, perdu de langue, il s’engage dans une longue transhumance qui le déracine de sa terre matricielle. Confronté à la perte et la nostalgie (Sehnsucht) de ses origines, s’ouvre en lui cet espace « hors-sol » de l’exil, strié d’empreintes, de traces cicatricielles d’un non-lieu vidé de sens.

Là où s’enkyste la souffrance de l’absence, c’est aussi là que s’enkyste ou s’ankylose sa voix condamnée au silence. Voix qu’il emporte pour seul bagage… Voix mutante qui a pourtant déjà connu l’exil de la pure vocalité jouissante des premiers balbutiements, pour se constituer en porte-parole, et s’aventurer hors des frontières du corps. Mise à l’épreuve de la jouissance et du discours, il arrive que la voix objecte à la parole, se cabre, se fasse voix dissidente, s’exile du corps et déserte le champ de la rencontre avec l’autre. Mais confrontée à l’impératif de la contrainte, tenue pour hors-la-loi, il arrive alors que la voix objecte à la demande de l’autre, s’arrache à son mutisme et invite le sujet exilé à un autre voyage : celui de la pulsion invocante, qui en appelle à une écoute autre, pour que sa parole puisse advenir.

C’est bien à cette traversée vers une terre d’Ailleurs, inconnue et encore innommable, que convoque l’analyse, s’inscrivant dans le temps du désir qui abolit la chronicité. Terre d’asile où l’écoute et le transfert se conjuguent pour permettre de nous sentir, à l’invitation de Freud, « comme à la maison au cœur de l’étranger inquiétant » (heimisch im Unheimlichen).

10h Pot d’Accueil – ACCUEIL –  PRÉLUDE  No man’s land, no-voice’s land

  • Claire Gillie : Accueil et remerciements au nom du CRIVA
  • Max Kohn, Jean Oscar Makasso, Alessandra Berghino, Claire Gillie:
    • Les 4 coordonnateurs exposent les thèmes dominants du colloque (issus de leur 4 interventions qui seront dispatchées dans les tables qui suivront). 5 à 10 minutes maximum chacun.

● 10h30 ● TABLE 1 Du lieu perdu à la voix perdue

  • Paul-Laurent ASSOUN: Pulsion de départ et voix du retour : le sujet exilé
    • L’exil est un acting, qu’il soit décidé ou imposé. C’est de pulsion (Trieb) qu’il s’agit quand sonne l’heure du départ. « Partir ! » est un impératif catégorique… sinon le sujet justement ne partirait jamais.  Il s’agit, pour entendre pour de bon l’exilé, d’ouïr le mugissement des voix qui résonnent en lui de « re-migration ». Il ne s’agit pas d’un simple aller-retour :  il sera question des voix, ulysiennes, qui murmurent « Reviens ! ». On verra comment se présente cette vocalisation migratrice, de la nostalgie à l’écriture, passion de délocalisation qui trouve son langage mais fraie aussi les voies de retour. Accès privilégié au sujet inconscient de l’exil, de l’objet et du lieu perdu, de l’œdipe (abandon des parents, générateur d’une sourde culpabilité) à la pulsion de mort qui tend à annuler la tentative d’évasion par un tropisme du retour. Plus qu’à la « case-départ », à la redécouverte de l’origine qui fait du voyage un mirage…
  • Jean Oscar MAKASSO : Bannissement et interdit du retour : la mise en quarantaine de la voix
    • Le sujet est depuis l’origine un être exilé, un exil souvent énoncé comme choisi mais qui peut aussi être subi, imposé par le groupe social entraînant ainsi ce qui pourrait s’apparenter à un bannissement.

Dans certains groupes sociaux on peut bannir un individu en l'obligeant à quitter le groupe, voire le territoire si ce dernier s’inscrit en dehors des règles sociales établies. Il y a aussi des bannissements qui consistent en l’ignorance par le groupe de l’existence même du sujet, enfermant ainsi ce dernier dans un silence individuel (une voix ni recevable ni entendable) et groupal (aucun retour par le groupe).

Cet insupportable isolement conduit le sujet à quitter son groupe social et son territoire pour engager la voie de l’exil, une dynamique qui va davantage se situer du côté de l’auto-bannissement. En agissant son bannissement, l’exilé sort d’une forme de passivité pour devenir sujet de sa propre vie. Un mouvement qui le pousse vers la recherche d’une terre d’accueil et d’une nouvelle place dans le discours de l’autre. Cette nouvelle reconnaissance contribuera à sa sortie progressive du « silence intérieur » entrainant ainsi une ouverture vers la prise en compte de la voix de l’autre. Une perspective circulaire qui lui ouvrira les voies de la résilience.

● 11h30 TABLE 2  Échapper à ses origines ou les réenchanter ?

  • Max KOHN : Tous exilés de la scène primitive
    • L'exil de la scène primitive est constitutif pour chacun, une origine dans le temps, l'espace, en-deçà de la parole, pour l'infans, celui qui ne parle pas. Passer de la voix, des voix à la parole et au discours, nécessite de s'exiler et de revenir pour vivre. Grâce au silence de l'analyste, il est possible de naître encore.
  • Ghilaine JEANNOT-PAGES : L’exil ou le pacte du silence
    • L’exil, entendu dans son acception juridique, punition infligée à celui qui mettrait en péril l’État (le groupe) oblige l’exilé au silence ; à supposer même qu’il puisse parler, ce serait d’un lien rendant sa parole inaudible à celui qui l’en a chassé. Or, comme l’écrit Lacan « la référence du silence au "se taire" est une référence complexe. Le silence forme un lien, un nœud fermé entre [contre ?] quelque chose qui est une entente et quelque chose qui, parlant tout bas, est l’Autre : c'est ce nœud clos qui peut retentir quand le traverse - et peut être même, le creuse - le cri » (leçon du 17 mars 1965). Existe-t-il alors un choix entre l’obligation de se taire (au sens du pacte, du lien à l’autre) et la position d’exilé ? Le silence imposé à l’enfant abusé n’est-il pas le pacte qui signe la possibilité d’échapper à un exil familial, ou en est-il la condition ?  
  • Laura PIGOZZI : On ne peut chanter que dans l’exil
    • La voix de Callas est une voix exilée et adorée. L'exil et la gloire ne sont pas toujours dissociés. Dans la réussite, il y a un certain exil de soi, sauf que l'histoire subjective le montre dans le dire, dans le chanter.

La voix de Callas est en exil parce qu'elle est l'expression de l'impossibilité d'être une soprano comme les autres, c'est-à-dire selon les normes conventionnelles. Pour nous, sa voix à la fois mobile et dramatique - un véritable oxymore du point de vue de la classification du chant d'opéra - est son miracle. De cette voix hors chœur, elle s'est parfois réjouie, mais plus souvent elle en a souffert. On peut souffrir de sa propre exceptionnalité. Car l'exceptionnalité frôle trop l’abîme.

● 12h30 TEMPS ARTISTIQUE É(voc/quation) à X inconnu.e

  • Magali ROUMY AKUE: eXil : part d’inconnu.e
    • X, signature d’inconnu, exilé de son histoire.

Né.e sous X

Le nom est une lettre 

Point de croiX de la croiXsance absence

Décharge d’e/ancre

Le X de l’inconnu.e

Les lignes d’une histoire barrée qui s’inscrivent, telle l’effraction de l’EX-clusion

 

● 13h00 à 14h30 ●                        PAUSE  

 

● 14h30 TABLE 3  De fragments de langues en traces vocales

  • Alessandra BERGHINO : De l’ostracon (ὄστρακον) à une langue comme refuge
    • Le rituel dans la polis grecque, pour désigner celui ou ceux destinés à l'exil, était de fracturer un vase et sur les morceaux dispersés, écrire les noms des condamnés.    

Je partirai de cet éclatement d'une unité d'un monde où les êtres n’ont que leur nom et leur langue… et la voix des ancêtres. 

Comment parle-t-on la langue d'origine ? Pouvons-nous encore la dire telle que nous l'avons apprise? Que reste-t-il de cette langue?

Dans ces métamorphoses écrites et sonores, de quoi nous parle-t-elle ?

Y a-t-il une autre langue possible, où on ne soit pas confronté à la nuit de la mélancolie, et où le rêve soit encore possible ?

  • Bettina GRUBER : Ce petit accent qui fait résonner une jouissance exilée
    • L'accent comme trace de l’exil, au sens propre comme au sens figuré, tel sera le fil rouge de cette intervention. Trace audible, perceptible, repérable de l'exil géographique comme de l’exil structural du sujet, l’accent étranger fait entendre la jouissance qui nous affecte. Cela peut faire symptôme pour le parlêtre.
  • Natacha VELLUT : Quitter la voix de l’autre
    • Il s'agira d'explorer deux équivoques contenues dans le titre, deux équivoques que l'on peut entendre bien que l'écriture les efface. L'équivoque voix/voie interrogera les injonctions et transmissions contenues dans la voix. L'équivoque autre/Autre interrogera les particularités de la voix de l'Autre parental. Le texte examinera les conditions de l'exil de l'enfance comme nécessité structurale pour le parlêtre. Le parlêtre, néologisme inventé par Lacan, met en valeur la fonction du langage dans la constitution d'un sujet. Le parlêtre désigne en effet celui ou celle qui prend la parole, qui prend le risque de son énonciation. Le parlêtre est celui ou celle qui cherche à faire entendre et reconnaître sa parole.

● 15h30 TABLE 4 Que dire et qu’entendre du sujet de l’exil ?

  • Lysiane LAMANTOWICZ : Exil et voix connectées
    • La figure du « migrant connecté » fait l’objet d’analyses sociologiques qui étudient de quelle manière le fait d’être en lien avec les voix de ce qu’on appelle le web, change le rapport au monde des individus qui s’exilent en quête d’un ailleurs meilleur. Ces auteurs parlent d’internet comme d’un pharmakon pour ces sujets, à la fois médicament et poison. Nous sommes tous des exilés de la voix maternelle, matricielle. Internet c’est comme la mascarade, le faux-semblant de cette voix dont on croit pouvoir ne jamais se séparer et qui vient redoubler l’aliénation de l’exil plutôt que de l’atténuer.
  • Adriana VARONA : Tricoter avec la parole
    • Tricoter n’est pas seulement l’art de créer des formes et des figures avec du tissage à l’aide d’une aiguille et quelques fils de laine. Cette pratique n’est pas seulement un loisir presque exclusivement féminin. L’acte de tricoter peut avoir aussi un effet libérateur de la parole. Cette intervention vise à montrer la valeur de cette activité à l’intérieur d’un groupe de femmes réfugiées et en demande d’asile politique, qui se rassemblent pour reconstruire et partager le vécu de la violence dans leurs pays d’origine. Elles partagent les différentes couleurs et textures dans un travail collectif, afin de rendre hommage et de dénoncer les exécutions extrajudiciaires en Colombie.
  • Valentina VANNETTI : Les voix exilées des fantasmes : la voix du coq, du pendu, du sopraniste 
    • Les cas des enfants et des adolescents dont le symptôme concerne la voix ont augmenté dans la clinique contemporaine. Je vais vous parler d’une petite fille avec un mutisme sélectif, d’une autre qui parlait avec une voix étouffée, comme si quelque chose empêchait à ses cordes vocales de vibrer et, enfin, d’un adolescent dont la voix se tournait parfois vers un registre sonore féminin qui rappelle les castrats de l'époque baroque ou les sopranistes plus modernes. Un bref travail analytique, le seul possible dans une institution publique, m’a cependant permis de lire le symptôme des deux fillettes et de l’adolescent comme un retour des voix exilées des fantasmes. Qu’est-ce qu’elles disent ?

● 16h30 TABLE 5 De l’innommable à la parole ; destins de la voix exilée

  • Angela PEDUTO : Voix de l’exil, voix du désir

Je parlerai de Maria Callas et de son errance. Errance géographique, errance dans et parmi les héroïnes qu’elle a interprétées, et de cette voix miraculeuse qui ne cesse pas de nous troubler.

 

  • Claire GILLIE : De Pitchipoï au divan ; l’écoute comme terre d’asile
    • Pitchipoï, nom de l’imprononçable, lieu de l’innommable, avec sa gare qui a une rue de l’arrivée, mais où nul n’y vit jamais une rue du départ. Pitchipoï, nom d’aucun nom qui a la candeur des comptines de l’enfance, mais qui pourrait s’appeler Golgotha. Pitchipoï, mot cri, mot écran, mot étreint, mot écrin, tour à tour ouvert et refermé sur des éclats de pierre d’une parole lapidée qui hésite à la porte de l’analyse. Pitchipoï, mot de toutes les braises et de toutes les fumées : et pourtant, à le prononcer, il gèle à pierre-fendre en ce Dire ravagé, mutisé sur le divan, exilé de son histoire.

Pétrifié dans cette « douleur d’exister » ou d’être déjà mort, le sujet replié dans le mutisme se sent « condamné à perpétuité » à reformuler sa demande : celle qu’on lui fasse hospitalité au lieu de l’Autre. Vers quel lieu aller, où s’inscrire ? Mais quel lieu fait retour ? Pitchipoï ?

L’écoute de l’analyste s’offre comme terre d’asile au sujet exilé de ses origines que nous sommes tous - éternels demandeurs d'asile dans l'Autre - trouvant au terme de l’errance un divan où la voix se réconcilie avec la parole, car accueillie et trouvant ses harmoniques dans le transfert.

● 17h15 ● CONCLUSION et ouverture sur le dernier moment artistique de conclusion

  • Max Kohn, Jean Oscar Makasso, Alessandra Berghino, Claire Gillie

Conclusion croisée

● 17h30 ● TEMPS ARTISTIQUE Quand la harpe se fait terre d’asile du féminin

  • Véronique TRUFFOT : Réenchanter la voix des esprits au Gabon : de l’exil au corps-terre d’asile
    • Le décor : un paysage luxuriant ; une forêt primaire puissante et inquiétante ; une ville désolante et monstrueuse ; une maison qui ressemble étrangement à un instrument de musique.

Les personnages : une harpe-esprit qui attend/cherche/trouve celui.celle par qui elle pourra « descendre » ; une courroie de transmission devenue corps humain le temps d’une nuit ; une femme qui trouve malgré elle une terre d’asile au cœur de l’exil.

C’est ce théâtre, fait d’entrelacs sur lesquels se tisse un réseau relationnel aussi étrange que dense et fascinant, que je tenterai d’ouvrir, de déplier et de découvrir en même temps qu’il vous sera livré et partagé…

● 18h ●                                       FIN              

  • La langue du colloque sera le français ; possibilité d’avoir les textes en langue originaire projetés à l’écran de la mairie et partagés en Zoom
  • Les interventions seront de 15 minutes, sauf pour Paul-Laurent Assoun.
  • Coordination générale : Alessandra Berghino, Claire Gillie, Max Kohn, Jean Oscar Makasso
  • Coordination artistique, fonctionnelle et design : Magali Roumy Akue

    PROGRAMME (8 définitif) ET ARGUMENTS DU COLLOQUE CRIVA

    « Voix de l’Exil »

    JEUDI 28 MARS 2024 de 10h à 18h

    En Zoom et en présentiel à la Mairie du 9ème de Paris

     

    Argument général incitatif du Colloque

    L’histoire nous impose, d’un siècle à l’autre, sa cohorte d’exodes, d’émigrations massives : toute sortie de territoire sonne comme une « sortie de route » d’un destin arrêté aux frontières des déterminismes, des édits et des discours. Exilé si ce n’est banni de son histoire, de ses ancêtres, de ses racines, le sujet du social comme le sujet de l’inconscient ploie sous les vents contraires de la délocalisation qui lui est imposée ou qu’il s’inflige. À bout de souffle, à bout de voix, perdu de langue, il s’engage dans une longue transhumance qui le déracine de sa terre matricielle. Confronté à la perte et la nostalgie (Sehnsucht) de ses origines, s’ouvre en lui cet espace « hors-sol » de l’exil, strié d’empreintes, de traces cicatricielles d’un non-lieu vidé de sens.

    Là où s’enkyste la souffrance de l’absence, c’est aussi là que s’enkyste ou s’ankylose sa voix condamnée au silence. Voix qu’il emporte pour seul bagage… Voix mutante qui a pourtant déjà connu l’exil de la pure vocalité jouissante des premiers balbutiements, pour se constituer en porte-parole, et s’aventurer hors des frontières du corps. Mise à l’épreuve de la jouissance et du discours, il arrive que la voix objecte à la parole, se cabre, se fasse voix dissidente, s’exile du corps et déserte le champ de la rencontre avec l’autre. Mais confrontée à l’impératif de la contrainte, tenue pour hors-la-loi, il arrive alors que la voix objecte à la demande de l’autre, s’arrache à son mutisme et invite le sujet exilé à un autre voyage : celui de la pulsion invocante, qui en appelle à une écoute autre, pour que sa parole puisse advenir.

    C’est bien à cette traversée vers une terre d’Ailleurs, inconnue et encore innommable, que convoque l’analyse, s’inscrivant dans le temps du désir qui abolit la chronicité. Terre d’asile où l’écoute et le transfert se conjuguent pour permettre de nous sentir, à l’invitation de Freud, « comme à la maison au cœur de l’étranger inquiétant » (heimisch im Unheimlichen).

    10h Pot d’Accueil – ACCUEIL –  PRÉLUDE  No man’s land, no-voice’s land

  • Claire Gillie : Accueil et remerciements au nom du CRIVA
  • Max Kohn, Jean Oscar Makasso, Alessandra Berghino, Claire Gillie:
    • Les 4 coordonnateurs exposent les thèmes dominants du colloque (issus de leur 4 interventions qui seront dispatchées dans les tables qui suivront). 5 à 10 minutes maximum chacun.
  • ● 10h30 ● TABLE 1 Du lieu perdu à la voix perdue

  • Paul-Laurent ASSOUN: Pulsion de départ et voix du retour : le sujet exilé
    • L’exil est un acting, qu’il soit décidé ou imposé. C’est de pulsion (Trieb) qu’il s’agit quand sonne l’heure du départ. « Partir ! » est un impératif catégorique… sinon le sujet justement ne partirait jamais.  Il s’agit, pour entendre pour de bon l’exilé, d’ouïr le mugissement des voix qui résonnent en lui de « re-migration ». Il ne s’agit pas d’un simple aller-retour :  il sera question des voix, ulysiennes, qui murmurent « Reviens ! ». On verra comment se présente cette vocalisation migratrice, de la nostalgie à l’écriture, passion de délocalisation qui trouve son langage mais fraie aussi les voies de retour. Accès privilégié au sujet inconscient de l’exil, de l’objet et du lieu perdu, de l’œdipe (abandon des parents, générateur d’une sourde culpabilité) à la pulsion de mort qui tend à annuler la tentative d’évasion par un tropisme du retour. Plus qu’à la « case-départ », à la redécouverte de l’origine qui fait du voyage un mirage…
  • Jean Oscar MAKASSO : Bannissement et interdit du retour : la mise en quarantaine de la voix
    • Le sujet est depuis l’origine un être exilé, un exil souvent énoncé comme choisi mais qui peut aussi être subi, imposé par le groupe social entraînant ainsi ce qui pourrait s’apparenter à un bannissement.
  • Dans certains groupes sociaux on peut bannir un individu en l'obligeant à quitter le groupe, voire le territoire si ce dernier s’inscrit en dehors des règles sociales établies. Il y a aussi des bannissements qui consistent en l’ignorance par le groupe de l’existence même du sujet, enfermant ainsi ce dernier dans un silence individuel (une voix ni recevable ni entendable) et groupal (aucun retour par le groupe).

    Cet insupportable isolement conduit le sujet à quitter son groupe social et son territoire pour engager la voie de l’exil, une dynamique qui va davantage se situer du côté de l’auto-bannissement. En agissant son bannissement, l’exilé sort d’une forme de passivité pour devenir sujet de sa propre vie. Un mouvement qui le pousse vers la recherche d’une terre d’accueil et d’une nouvelle place dans le discours de l’autre. Cette nouvelle reconnaissance contribuera à sa sortie progressive du « silence intérieur » entrainant ainsi une ouverture vers la prise en compte de la voix de l’autre. Une perspective circulaire qui lui ouvrira les voies de la résilience.

    ● 11h30 TABLE 2  Échapper à ses origines ou les réenchanter ?

  • Max KOHN : Tous exilés de la scène primitive
    • L'exil de la scène primitive est constitutif pour chacun, une origine dans le temps, l'espace, en-deçà de la parole, pour l'infans, celui qui ne parle pas. Passer de la voix, des voix à la parole et au discours, nécessite de s'exiler et de revenir pour vivre. Grâce au silence de l'analyste, il est possible de naître encore.
  • Ghilaine JEANNOT-PAGES : L’exil ou le pacte du silence
    • L’exil, entendu dans son acception juridique, punition infligée à celui qui mettrait en péril l’État (le groupe) oblige l’exilé au silence ; à supposer même qu’il puisse parler, ce serait d’un lien rendant sa parole inaudible à celui qui l’en a chassé. Or, comme l’écrit Lacan « la référence du silence au "se taire" est une référence complexe. Le silence forme un lien, un nœud fermé entre [contre ?] quelque chose qui est une entente et quelque chose qui, parlant tout bas, est l’Autre : c'est ce nœud clos qui peut retentir quand le traverse - et peut être même, le creuse - le cri » (leçon du 17 mars 1965). Existe-t-il alors un choix entre l’obligation de se taire (au sens du pacte, du lien à l’autre) et la position d’exilé ? Le silence imposé à l’enfant abusé n’est-il pas le pacte qui signe la possibilité d’échapper à un exil familial, ou en est-il la condition ?  
  • Laura PIGOZZI : On ne peut chanter que dans l’exil
    • La voix de Callas est une voix exilée et adorée. L'exil et la gloire ne sont pas toujours dissociés. Dans la réussite, il y a un certain exil de soi, sauf que l'histoire subjective le montre dans le dire, dans le chanter.
  • La voix de Callas est en exil parce qu'elle est l'expression de l'impossibilité d'être une soprano comme les autres, c'est-à-dire selon les normes conventionnelles. Pour nous, sa voix à la fois mobile et dramatique - un véritable oxymore du point de vue de la classification du chant d'opéra - est son miracle. De cette voix hors chœur, elle s'est parfois réjouie, mais plus souvent elle en a souffert. On peut souffrir de sa propre exceptionnalité. Car l'exceptionnalité frôle trop l’abîme.

    ● 12h30 TEMPS ARTISTIQUE É(voc/quation) à X inconnu.e

  • Magali ROUMY AKUE: eXil : part d’inconnu.e
    • X, signature d’inconnu, exilé de son histoire.
  • Né.e sous X

    Le nom est une lettre 

    Point de croiX de la croiXsance absence

    Décharge d’e/ancre

    Le X de l’inconnu.e

    Les lignes d’une histoire barrée qui s’inscrivent, telle l’effraction de l’EX-clusion

     

    ● 13h00 à 14h30 ●                        PAUSE  

     

    ● 14h30 TABLE 3  De fragments de langues en traces vocales

  • Alessandra BERGHINO : De l’ostracon (ὄστρακον) à une langue comme refuge
    • Le rituel dans la polis grecque, pour désigner celui ou ceux destinés à l'exil, était de fracturer un vase et sur les morceaux dispersés, écrire les noms des condamnés.    
  • Je partirai de cet éclatement d'une unité d'un monde où les êtres n’ont que leur nom et leur langue… et la voix des ancêtres. 

    Comment parle-t-on la langue d'origine ? Pouvons-nous encore la dire telle que nous l'avons apprise? Que reste-t-il de cette langue?

    Dans ces métamorphoses écrites et sonores, de quoi nous parle-t-elle ?

    Y a-t-il une autre langue possible, où on ne soit pas confronté à la nuit de la mélancolie, et où le rêve soit encore possible ?

  • Bettina GRUBER : Ce petit accent qui fait résonner une jouissance exilée
    • L'accent comme trace de l’exil, au sens propre comme au sens figuré, tel sera le fil rouge de cette intervention. Trace audible, perceptible, repérable de l'exil géographique comme de l’exil structural du sujet, l’accent étranger fait entendre la jouissance qui nous affecte. Cela peut faire symptôme pour le parlêtre.
  • Natacha VELLUT : Quitter la voix de l’autre
    • Il s'agira d'explorer deux équivoques contenues dans le titre, deux équivoques que l'on peut entendre bien que l'écriture les efface. L'équivoque voix/voie interrogera les injonctions et transmissions contenues dans la voix. L'équivoque autre/Autre interrogera les particularités de la voix de l'Autre parental. Le texte examinera les conditions de l'exil de l'enfance comme nécessité structurale pour le parlêtre. Le parlêtre, néologisme inventé par Lacan, met en valeur la fonction du langage dans la constitution d'un sujet. Le parlêtre désigne en effet celui ou celle qui prend la parole, qui prend le risque de son énonciation. Le parlêtre est celui ou celle qui cherche à faire entendre et reconnaître sa parole.
  • ● 15h30 TABLE 4 Que dire et qu’entendre du sujet de l’exil ?

  • Lysiane LAMANTOWICZ : Exil et voix connectées
    • La figure du « migrant connecté » fait l’objet d’analyses sociologiques qui étudient de quelle manière le fait d’être en lien avec les voix de ce qu’on appelle le web, change le rapport au monde des individus qui s’exilent en quête d’un ailleurs meilleur. Ces auteurs parlent d’internet comme d’un pharmakon pour ces sujets, à la fois médicament et poison. Nous sommes tous des exilés de la voix maternelle, matricielle. Internet c’est comme la mascarade, le faux-semblant de cette voix dont on croit pouvoir ne jamais se séparer et qui vient redoubler l’aliénation de l’exil plutôt que de l’atténuer.
  • Adriana VARONA : Tricoter avec la parole
    • Tricoter n’est pas seulement l’art de créer des formes et des figures avec du tissage à l’aide d’une aiguille et quelques fils de laine. Cette pratique n’est pas seulement un loisir presque exclusivement féminin. L’acte de tricoter peut avoir aussi un effet libérateur de la parole. Cette intervention vise à montrer la valeur de cette activité à l’intérieur d’un groupe de femmes réfugiées et en demande d’asile politique, qui se rassemblent pour reconstruire et partager le vécu de la violence dans leurs pays d’origine. Elles partagent les différentes couleurs et textures dans un travail collectif, afin de rendre hommage et de dénoncer les exécutions extrajudiciaires en Colombie.
  • Valentina VANNETTI : Les voix exilées des fantasmes : la voix du coq, du pendu, du sopraniste 
    • Les cas des enfants et des adolescents dont le symptôme concerne la voix ont augmenté dans la clinique contemporaine. Je vais vous parler d’une petite fille avec un mutisme sélectif, d’une autre qui parlait avec une voix étouffée, comme si quelque chose empêchait à ses cordes vocales de vibrer et, enfin, d’un adolescent dont la voix se tournait parfois vers un registre sonore féminin qui rappelle les castrats de l'époque baroque ou les sopranistes plus modernes. Un bref travail analytique, le seul possible dans une institution publique, m’a cependant permis de lire le symptôme des deux fillettes et de l’adolescent comme un retour des voix exilées des fantasmes. Qu’est-ce qu’elles disent ?
  • ● 16h30 TABLE 5 De l’innommable à la parole ; destins de la voix exilée

  • Angela PEDUTO : Voix de l’exil, voix du désir
  • Je parlerai de Maria Callas et de son errance. Errance géographique, errance dans et parmi les héroïnes qu’elle a interprétées, et de cette voix miraculeuse qui ne cesse pas de nous troubler.

     

  • Claire GILLIE : De Pitchipoï au divan ; l’écoute comme terre d’asile
    • Pitchipoï, nom de l’imprononçable, lieu de l’innommable, avec sa gare qui a une rue de l’arrivée, mais où nul n’y vit jamais une rue du départ. Pitchipoï, nom d’aucun nom qui a la candeur des comptines de l’enfance, mais qui pourrait s’appeler Golgotha. Pitchipoï, mot cri, mot écran, mot étreint, mot écrin, tour à tour ouvert et refermé sur des éclats de pierre d’une parole lapidée qui hésite à la porte de l’analyse. Pitchipoï, mot de toutes les braises et de toutes les fumées : et pourtant, à le prononcer, il gèle à pierre-fendre en ce Dire ravagé, mutisé sur le divan, exilé de son histoire.
  • Pétrifié dans cette « douleur d’exister » ou d’être déjà mort, le sujet replié dans le mutisme se sent « condamné à perpétuité » à reformuler sa demande : celle qu’on lui fasse hospitalité au lieu de l’Autre. Vers quel lieu aller, où s’inscrire ? Mais quel lieu fait retour ? Pitchipoï ?

    L’écoute de l’analyste s’offre comme terre d’asile au sujet exilé de ses origines que nous sommes tous - éternels demandeurs d'asile dans l'Autre - trouvant au terme de l’errance un divan où la voix se réconcilie avec la parole, car accueillie et trouvant ses harmoniques dans le transfert.

    ● 17h15 ● CONCLUSION et ouverture sur le dernier moment artistique de conclusion

  • Max Kohn, Jean Oscar Makasso, Alessandra Berghino, Claire Gillie
  • Conclusion croisée

    ● 17h30 ● TEMPS ARTISTIQUE Quand la harpe se fait terre d’asile du féminin

  • Véronique TRUFFOT : Réenchanter la voix des esprits au Gabon : de l’exil au corps-terre d’asile
    • Le décor : un paysage luxuriant ; une forêt primaire puissante et inquiétante ; une ville désolante et monstrueuse ; une maison qui ressemble étrangement à un instrument de musique.
  • Les personnages : une harpe-esprit qui attend/cherche/trouve celui.celle par qui elle pourra « descendre » ; une courroie de transmission devenue corps humain le temps d’une nuit ; une femme qui trouve malgré elle une terre d’asile au cœur de l’exil.

    C’est ce théâtre, fait d’entrelacs sur lesquels se tisse un réseau relationnel aussi étrange que dense et fascinant, que je tenterai d’ouvrir, de déplier et de découvrir en même temps qu’il vous sera livré et partagé…

    ● 18h ●                                       FIN              

  • La langue du colloque sera le français ; possibilité d’avoir les textes en langue originaire projetés à l’écran de la mairie et partagés en Zoom
  • Les interventions seront de 15 minutes, sauf pour Paul-Laurent Assoun.
  • Coordination générale : Alessandra Berghino, Claire Gillie, Max Kohn, Jean Oscar Makasso
  • Coordination artistique, fonctionnelle et design : Magali Roumy Akue