Lecture de Dalila Cano
Ouvrage sous la direction de Houchang Guilyardi
APM Editions, collection EDP Sciences, 2017
368 pages
Corps en discordance, somatoses et psychoses est un ouvrage collectif initié par Houchang Guilyardi, Président de l’Association Psychanalyse et Médecine. Il nous invite, à travers de passionnants articles, à penser le concept de forclusion dans la psychose mais aussi dans la somatose, notion qu’il développe à partir de sa clinique hospitalière.
Certains auteurs appréhenderont la question de la forclusion à partir de la genèse du concept puis à travers des situations cliniques qui illustrent la psychose. D’autres, reviendront sur cette notion de forclusion depuis leur pratique à l’hôpital auprès de patients atteints de maladies somatiques graves.
Paul Laurent Assoun nous rappelle que le mot forclusion « correspond à la décision « historique » de Lacan de faire muter la Verwerfung freudienne (rejet) en « forclusion ». Il nous invite à reprendre le terme « original » freudien pour comprendre l’usage que Lacan en a fait et nous propose d’aborder le lien du « forclusif » dans la manie et souligner comment, la forclusion, dans sa modalité maniaque convoque le collectif et l’histoire.
Dans son texte Paranoïa et passion narcissique, Geneviève Vialet-Bine revisite l’article de Jacques Lacan « les motifs du crime paranoïaque, le crime des sœurs Papin » (1933). A partir d’une description rigoureuse de ce cas, l’auteur propose deux enseignements qui éclairent le concept de forclusion.
L’intérêt de cet ouvrage est d’étendre le concept de forclusion à certains troubles somatiques rencontrés à l’hôpital.
A ce propos, certains auteurs et notamment Martine Dombrosky, insistent sur la particularité du dispositif hospitalier dans lequel le corps est en première ligne. Elle souligne à quel point la confrontation au traumatique, à la douleur et à l’indicible est prédominante dans la clinique hospitalière.
Plus loin, dans Osez le soma, Marc Léopold Lévy ajoute qu’être « psy » à l’hôpital c’est aussi se confronter au corps réel, au « corps organique pur ».
Face à ce réel du corps, comment penser le travail d’élaboration psychique, lorsqu’il s’agit de « réintroduire le registre de la castration dans le réel de la mutilation. » ?
D’autres s’interrogent sur la pertinence d’exporter le concept de forclusion dans le champ des maladies somatiques.
Avec Les maladies nécessaires : le discord du forclusif, Jean-Pierre Basclet envisage de penser le concept de forclusion dans son rapport au discordantiel. Il indique que « le discordantiel (…) ne peut jamais prononcer qu’une exclusion partielle. Le forclusif, au contraire, est capable d’éliminer définitivement ». Notons l’importance du caractère « partiel » du discordantiel qui permet, au fond, d’aborder cette question de la forclusion dans la somatose sous un angle « non spécifiquement pathologique ».
Cet ouvrage rend donc compte de la diversité des approches liées aux sensibilités et aux intérêts des différents auteurs. Il ouvre des possibilités de questionner l’écoute psychanalytique lorsque le réel du corps s’impose.