Décès de Roger Gentis

 

Roger Gentis est mort cet été. Membre d’honneur d’Espace analytique, il avait été membre du CFRP depuis sa création, puis d’Espace analytique dès 1994, fidèle à celle qu’il appelait « Mannonoche » dans ses chroniques de Charlie Hebdo

 

Roger Gentis nous a quittés ce premier août, il avait 91 ans.

 

Il s’était retiré discrètement plusieurs années auparavant. Il s’en est allé en douce, avec l’élégance et la délicatesse qui le caractérisaient, à la fin d’une vie de psychiatre si pleine et si riche.

 

C’est un joli tour qu’il nous a joué en disparaissant l’été, pendant que la plupart d’entre nous sont en vacances. Réveil de la torpeur estivale pour recentrer nos pensées sur la psychiatrie où il a joué un rôle essentiel.

 

Roger Gentis est né en 1928 à Saint-Etienne. Il a fait ses premiers pas en psychiatrie à Lyon sous la conduite de Jean Guyotat. Puis il a travaillé huit ans à l’hôpital de Saint-Alban en Lozère, là où venait de se créer la psychothérapie institutionnelle, avec François Tosquelles dont il dit lui-même qu’il lui a appris une certaine façon d’être psychiatre.

 

Une autre rencontre déterminante fut celle de Germaine le Guillant, inspiratrice aux côtés de son mari de la mise en place de la sectorisation psychiatrique et cheville ouvrière de la création des CEMEA, avec les stages de formation pour les infirmiers, dont il dit qu’étant à mi-chemin de l’éducation et de la psychiatrie, elle lui a permis de concevoir son métier de façon complètement nouvelle en subvertissant profondément la vie asilaire.

 

A partir de 1964 il a été chef de service de la psychiatrie des adultes à Fleury-Les-Aubrais et a mené de front son travail de psychiatre de secteur et son activité d'écriture.

 

Pétri de psychanalyse, sans jamais aucun dogmatisme, Il nous laisse une série de livres incontournables. Ces livres ont transformé les pratiques de nombreux jeunes psychiatres, psychologues et infirmiers dans le sens du dépassement des pratiques asilaires.

 

Une des choses qui lui a tenu le plus à cœur fut sa création du projet Aloïse : projet culturel se basant sur une pratique qui se situait délibérément à l’articulation entre l’activité thérapeutique et la vie culturelle locale, le nom Aloïse reprenant celui d’une artiste célèbre de l’art Brut. Ce fut un laboratoire de mise à l’épreuve des concepts de sublimation et d’espace potentiel.

 

Son compagnonnage dans la psychothérapie institutionnelle et son ancrage dans la psychanalyse l’ont rapproché de Maud Mannoni dont il a partagé les orientations et le cheminement pour la création de l’école expérimentale de Bonneuil.

 

Jeune retraité, il a fondé l’Autre Scène, un lieu de formation des psychothérapeutes basé sur l’expérience groupale et la pratique corporelle.

 

Pour lui rendre hommage, citons de lui une de ces phrases percutantes dont il avait le secret, extraite de son deuxième livre « la psychiatrie sera faite et défaite par tous » chez Maspero :

 

“Partout où parle la folie, dire à tous prêtez l’oreille, écoutez, ceci nous concerne tous. Il y a là une vérité réprimée qui cherche à se faire entendre. Il y a là, peut-être, une liberté à naître dont vous n’avez pas encore idée ».

 

 

Claude et Marie Allione