Édito septembre

Nous avons une expérience commune qui nous réunit, mais que nous ne pouvons pas directement partager. Les groupes généralement recouvrent ce réel en élisant un chef infaillible1, car dès qu’il y a groupe, il y a l’idéal de l’infaillible. Il faudrait pourtant aller jusqu’à supporter l’idée d’un Lacan faillible, comme il le souhaitait, lui qui nous a fait entendre les failles de Freud, ce qui chez Freud n’avait pas été analysé, et qui a si subtilement cerné et indiqué ses propres impasses. De même donc que nous ne nous groupons pas non plus autour d’une théorie uni ée, autour d’un essaim, mais des manières diverses de témoigner de l’expérience, d’essayer d’articuler théoriquement, la théorie de l’impossibilité de la théorie2. Et nous essayons de l’articuler théoriquement du point où nous en sommes chacun dans notre rapport à l’analyse. Donc nous avons des lectures de Freud, des lectures de Lacan ; j’aimerais d’ailleurs insister sur la prudence de Lacan, au même moment où il parle d’infaillibilité, il rappelle la réinvention nécessaire de la psychanalyse par chaque analyste et dessine les contours des ns d’analyse. Je pense en particulier à celle dont il parle dans L’insu, quand il avance l’identi cation au symptôme comme n d’analyse, il ajoute : « Il faut reconnaître que c’est court. Ça ne va vraiment pas loin. » Il nous faut être attentif à ne pas chasser l’idéalisation par la porte pour la faire rentrer subrepticement par la fenêtre à des ns de consolidation du groupe. En effet, il ne faudrait pas confondre l’enthousiasme indispensable à notre tâche avec la mise au pas par un discours militant où chacun devrait se reconnaître, bref ne3 pas totaliser la théorie en transformant dogmatiquement la métapsychologie en métaphysique4.

Alain Vanier
Président d’Espace analytique

Nous avons une expérience commune qui nous réunit, mais que nous ne pouvons pas directement partager. Les groupes généralement recouvrent ce réel en élisant un chef infaillible1, car dès qu’il y a groupe, il y a l’idéal de l’infaillible. Il faudrait pourtant aller jusqu’à supporter l’idée d’un Lacan faillible, comme il le souhaitait, lui qui nous a fait entendre les failles de Freud, ce qui chez Freud n’avait pas été analysé, et qui a si subtilement cerné et indiqué ses propres impasses. De même donc que nous ne nous groupons pas non plus autour d’une théorie uni ée, autour d’un essaim, mais des manières diverses de témoigner de l’expérience, d’essayer d’articuler théoriquement, la théorie de l’impossibilité de la théorie2. Et nous essayons de l’articuler théoriquement du point où nous en sommes chacun dans notre rapport à l’analyse. Donc nous avons des lectures de Freud, des lectures de Lacan ; j’aimerais d’ailleurs insister sur la prudence de Lacan, au même moment où il parle d’infaillibilité, il rappelle la réinvention nécessaire de la psychanalyse par chaque analyste et dessine les contours des ns d’analyse. Je pense en particulier à celle dont il parle dans L’insu, quand il avance l’identi cation au symptôme comme n d’analyse, il ajoute : « Il faut reconnaître que c’est court. Ça ne va vraiment pas loin. » Il nous faut être attentif à ne pas chasser l’idéalisation par la porte pour la faire rentrer subrepticement par la fenêtre à des ns de consolidation du groupe. En effet, il ne faudrait pas confondre l’enthousiasme indispensable à notre tâche avec la mise au pas par un discours militant où chacun devrait se reconnaître, bref ne3 pas totaliser la théorie en transformant dogmatiquement la métapsychologie en métaphysique4.

Alain Vanier

Président d’Espace analytique

C’est dans cette perspective, pour nourrir le débat, que nous publions ici ce texte de Christian Hoffmann.

« Le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même... et de quelques autres »

Comment entendre cette proposition de Lacan dans notre monde contemporain qui réalise en n que l’universel se particularise par l’énonciation de chaque sujet, comme le dit Étienne Balibar dans son livre Des Universels, et où depuis les derniers séminaires de Jacques Lacan, la n de l’analyse s’envisage dans un « savoir y faire » singulier avec le particularisme de son symptôme ?

Rappelons que cette proposition de Lacan : “le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même” (la proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École) était en premier une tentative de mettre un terme aux cooptations d’analystes entre eux, sous le couvert des plus anciens qu’on appelait les “didacticiens”, elle est aujourd’hui devenue l’argument contre les tentatives de réglementations autoritaires qui ne cherchent pas à saisir sa singularité dans le champ des psychothérapies en reconnaissant sa visée de produire une subjectivité au-delà de la de la notion néo-libérale de l’individu.

Mais que veut dire « s’autoriser de » ? Le champ sémantique va de l’idée de se donner une justi cation, à celle d’une autorisation, ou de se servir légitimement ou abusivement d’un exemple ou d’un précédent pour faire quelque chose d’analogue. Bref, on a l’idée de se prévaloir de, se réclamer de, se recommander de.

  1. « La réaction de masse du groupe, Freud l’a prédite, c’est de trouver refuge dans un idéal, l’idéal de l’infaillible. L’idéal une fois installé, tout est bien, on échange des courbettes, moi je ne prétends nullement incarner cet infaillible, je ne fais pas non plus des courbettes. J’en témoigne par cette dissolution. Alors il faut me pardonner de ne pas être infaillible. » Vote de la dissolution par l’Assemblée générale de l’E.F.P., le 5 juillet 1980

  2. Pour reprendre une formule de Frédéric Gros .

  3. Pour reprendre une formule de Pierre Marie.